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Chers Amis
En ce début d'année, je voudrais vous adresser tous mes voeux pour l'année 2007 et vous dire combien j'apprécie de pouvoir vous faire partager, à travers ces lettres, mes visites de musées qui m'ont particulièrement interessée.
Profitant de la douceur inhabituelle du climat parisien en cette période, je me suis de nouveau promenée dans le quartier du Marais où mes pas m'ont guidée vers la Maison de Victor Hugo.

C'est pour rendre hommage à Victor Hugo (1802-1885), un des plus grands poètes et écrivains de la littérature française, que l'appartement qu'il habita de 1832 à 1848 à Paris, place des Vosges dans l'ancien hôtel de Rohan-Guéménée, fut transformé en musée en 1902.
▲La maison de Victor Hugo
©A. de Montalembert
La visite de cette maison-musée présente un grand intérêt car elle donne une idée de ce qu'était l'univers hugolien et permet au visiteur d'imaginer la vie de ce génie dans son «bric à brac», reflet du goût qu'il avait pour les objets de toute sorte.
     
C'est aussi l'occasion d'aller se promener dans le Marais, un des quartiers les plus typiques et historiques du vieux Paris et d'en découvrir son extraordinaire joyau qu'est la place des Vosges.
Pour accéder à la place des Vosges, en venant de la rue Saint-Antoine, nous vous conseillons de traverser la cour de l'hôtel de Sully, magnifique ensemble d'époque Louis XIII (1601-1643) et son jardin communiquant par un passage avec la célèbre place anciennement appelée place Royale. Construite au début du XVIIe siècle en forme de quadrilatère, elle est la plus ancienne place monumentale de Paris. Elle a conservé son élégance et son harmonie originelles avec ses bâtiments qui ont gardé leur rez-de-chaussée sur arcades et leurs façades composées de pierre et de brique. La phrase de Victor Hugo : «il y a plus de briques rouges que de feuilles vertes» reste toujours exacte.

Construit par Isaac Arnauld, conseiller du roi Louis XIII et intendant des Finances en 1605-1607, lors de la conception de la place Royale, l'hôtel de Rohan-Guéménée ne fait pas exception à la règle.
C'est en 1639 que l'hôtel fut acheté par Louis de Rohan, prince de Guéménée. Cet hôtel était un des plus somptueux de la place mais malheureusement, au début du XIXe siècle, il fut vendu et subi des transformations pour devenir un immeuble de rapport.
     
▲Le salon rouge
©PMVP
En 1832 , Victor Hugo, sa femme Adèle et leurs quatre enfants s'installent au deuxième étage, dans un appartement de deux cent quatre vingt mètres carrés, dans lequel il mènera une vie bourgeoise. Il a alors trente ans et a déjà connu deux succès : d'abord avec la «bataille» d'Hernani(1830),-cette pièce de théâtre qui fit figure de révolution en prônant dans sa préface le libéralisme en littérature contre les classiques, puis avec Notre Dame de Paris (1831), son grand et fameux roman populaire.
Chef de file incontesté du Romantisme, il reçoit dans le salon rouge de cet appartement de nombreux amis et le tout-Paris littéraire et artistique de l'époque : Lamartine, Vigny, Mérimée, Dumas, Gautier, Nerval, Liszt, Rossini…
Il y écrit quelques unes de ses oeuvres : Marie Tudor (1833), et son célèbre Ruy Blas(1838)…
     
C'est aussi dans cet appartement qu'il se découvre une âme de décorateur, se mettant à fréquenter les antiquaires et les brocanteurs et à acheter objets disparates et mobilier hétéroclite.

A la suite de l'infidélité de sa femme Adèle, Victor Hugo est très meurtri et s'éprend en 1833 d'une jeune comédienne, Juliette Drouet, qui avait un petit rôle dans sa pièce Lucrèce Borgia. Ce fut le début d'une grande passion qui dura cinquante ans.
▲Léon Noël, Mademoiselle Juliette Drouet, (Lithographie l'Artiste, 1932)
©PMVP, photo Andreani
         
▲La salle à manger
©PMVP
L'année 1843 marque un tournant dans la vie de l'écrivain : sa fille aînée, Léopoldine, âgée de dix-neuf ans, et son mari se noient dans la Seine. Il en éprouve une immense douleur et va chercher un dérivatif dans la politique. Ardent défenseur de la démocratie, opposé au rétablissement de l'Empire par Napoléon III, après le coup d'état du 2 décembre 1851, il doit s'exiler et va s'établir dans l' île anglo-normande de Guernesey où il se consacre alors entièrement à la littérature.
Juliette suivra son «grand petit homme» comme elle l'appelait et habitera à Guernesey dans une maison proche de son bien-aimé. Dans cette maison, Victor Hugo continuera à exercer son talent de décorateur que nous retrouvons dans le salon chinois et la salle à manger, reconstitués à l'identique dans le musée.
         
Ce n'est qu'en 1870 qu'il revient à Paris où il devient sénateur en 1876. Il est alors l'idole de la gauche républicaine et l'écrivain populaire par excellence. Lorsqu'il meurt le 22 mai 1885, on lui organise des funérailles nationales, allant de l'Arc de Triomphe au Panthéon.
Par son génie créateur et la diversité de son oeuvre, Victor Hugo occupe toujours une place exceptionnelle dans l'histoire de la littérature française.
     
Grâce à son fidèle ami et exécuteur testamentaire Paul Meurice qui fit une importante donation (dessins, livres, objets) à la ville de Paris, l'appartement de Victor Hugo devint musée en 1902. Après le départ de Victor Hugo, les souvenirs et le mobilier furent dispersés et l'agencement de l'appartement fut modifié mais malgré tous ces changements, on retrouve l'atmosphère de l'époque de Victor Hugo.

Ce musée se révèle être une excellente illustration de la vie de l'écrivain. Aujourd'hui la visite de l'appartement suit les trois grandes étapes de sa vie : Avant l'exil à Guernesey, Pendant l'exil, Depuis l'exil.
▲Victor Hugo en famille dans le jardin de Hauteville house
© PMVP, photo Rémi Brian
         
L'antichambre est consacrée aux origines familiales et sociales de Victor Hugo : à son enfance, à sa jeunesse, ses fiançailles et son mariage.
La deuxième pièce est une illustration du célèbre salon rouge, évoqué plus haut, dans lequel Victor Hugo recevait ses amis.

La vue sur la place des Vosges reste inchangée. On peut imaginer aisément comme l'écrivait Théodore de Banville (Souvenir (1882)) qu' « en été surtout c'était ravissant: la grande porte de l'appartement restait ouverte: le parfum des fleurs et des feuillages entrait par les fenêtres et la soirée avait lieu sur la place Royale en même temps que dans les salons ».
Le très imposant buste en marbre de Victor Hugo, exécuté par David d'Angers en 1838, y a toujours sa place. Les souvenirs de sa fille Léopoldine sont très émouvants , notamment la vitrine où sont rassemblés des objets personnels (gants, châle…) et le portrait de Léopoldine au livre d'heures(1835) par Auguste de Chatillon, tableau qui a suivi la famille en exil. Dans ce tableau, elle porte la fameuse robe rouge dont Victor Hugo utilisa un morceau de tissu pour encadrer un portrait qu'Adèle avait fait de sa fille, Léopoldine lisant(1837).
     
▲Le Salon chinois
© PMVP
L'univers de l'exil est évoqué dans les salles suivantes avec la reconstitution du salon chinois et de la salle à manger de la maison de Juliette Drouet à Guernesey, tous deux conçus par Victor Hugo.
Pour le salon chinois, il réalise un immense travail de décor en bois plaqués, composé de figurines, de faïences et céramiques posées sur des étagères. On ne peut qu'être admiratif devant une telle imagination et un travail si soigné jusqu'à faire figurer les initiales des deux amoureux (V.H. et J.D.) dans les panneaux de bois ainsi que des rébus.
La salle à manger est dans le style médiéval, néogothique, que Victor Hugo affectionnait, comme d'ailleurs ses contemporains. Le mobilier était composé d'éléments hétérogènes, l'imagination de l'écrivain prenant le pas sur le côté pratique des meubles ! Bien que ces deux pièces soient composées d'objets variés, il sén dégage une harmonie et une certaine unité.
     
Les dernières salles du musée sont consacrées à son retour en France et à la reconstitution fidèle de sa
dernière chambre, avenue d'Eylau dans le XVI ème arrondissement de Paris. Savoir qu'il est mort dans ce
cadre est très émouvant !
     
Pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Juliette Drouet (1806-1883), la Maison de Victor Hugo lui rend hommage en lui consacrant une très belle exposition : « Juliette Drouet «Mon âme à ton coeur s'est donnée…» Victor Hugo », particulièrement intéressante et bien présentée. Elle nous permet de mieux appréhender la personnalité de celle qui accepta de vivre toute sa vie dans l'ombre du grand homme, dont elle avait pressenti le génie.
     

Cette exposition retrace sa vie, dont ses amours avec James Pradier, sculpteur pour lequel elle devint modèle, jusqu'à Victor Hugo. Deux objets présentés sont particulièrement émouvants : le portrait de Melle Juliette(1832) par Léon Noël évoquant la jeunesse, la fraîcheur, la pureté et la beauté de son visage auxquelles Victor Hugo a succombé, et la robe qu'elle portait dans le rôle de la princesse Négroni dans Lucrèce Borgia (1833), à l'époque de leur rencontre !

▲Léon Noël,Victor Hugo (Lithographie l'Artiste, 1932)
©PMVP, photo Philippe Joffre
         
▲Victor Hugo, Falaises sud, Etretat, 9 août 1835
©PMVP
L'exposition, en présentant de très belles lettres d'amour, est un témoignage de la passion qui unit Juliette et Victor Hugo pendant cinquante ans. Elle écrira près de vingt mille lettres à son adoré ! A travers ces magnifiques lettres, on s'aperçoit à quel point elle vécut une vie de renoncement et d'abnégation même si elle devint la muse, la fidèle lectrice enthousiaste, donnant des conseils et la copiste des manuscrits et de la correspondance de l'écrivain. La seule ouverture au monde étaient les voyages qu'ils effectuaient chaque année et qu'elle attendait avec impatience ! Ainsi ils se rendirent en Normandie, en Bretagne, sur les bords du Rhin…dont Victor Hugo exécuta de nombreux croquis pris sur le vif, tels les Falaises d'Etretat (été 1835). Ces illustrations de voyages serviront à alimenter plus tard ses fantasmes et ses rêveries comme par exemple la Ville Morte vers 1830, dessin proche de l'abstraction !
         
Placée dans une situation difficile, Juliette forcera le respect et l'admiration par sa discrétion, sa tendresse et son dévouement à son bien-aimé durant toute sa vie. "Jusqu'à son dernier souffle elle aura assuré le culte de son dieu !". Le beau tableau de Juliette Drouet en 1883, peint par Jules Bastien-Lesage, nous présente une Juliette au soir de sa vie, très humaine, le visage presque transparent, usé par l'âge et la maladie mais toujours avec la même abnégation dans son attitude.
Cette passion est restituée dans le contexte de l'époque, par l'évocation du romantisme à travers de nombreux tableaux dont Marine de Jules Dupré est un exemple, ainsi que des dessins et objets d'arts exécutés par ses contemporains.
▲Jules Dupré, Marine
Paris, musee du Louvre, departement des peintures, don James N.B.Hill, 1962
© Photo RMN / Gérard Blot
         
Il est à signaler que la Maison de Victor Hugo possède une bibliothèque de référence internationale qui conserve des oeuvres de Victor Hugo, des éditions de ses ouvrages ainsi que des oeuvres qui lui ont été consacrées. Ce fonds comprend onze mille ouvrages qui peuvent être consultés sur rendez-vous.

S'il vous reste un peu de temps, je vous invite à aller flâner dans le quartier du Marais, un des plus vieux quartiers de la capitale réputé pour ses magnifiques hôtels particuliers !

Recevez mes amitiés les plus sincères.
     

▲Cheminée du salon chinois
©PMVP
▲Place des Vosges, vue de la maison de Victor Hugo
©A. de Montalembert
▲Les arcades, place des Vosges
©A. de Montalembert

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Musee Info Plus d' infos
Adresse
 
Hôtel de Rohan-Guéménée
6 place des Vosges - 75004 Paris
Tel
 
01 42 72 10 16
Fax
 
01 42 72 06 64
Accès
 
Métro : Chemin vert, métro ligne 8
Saint Paul, métro ligne 1
Bastille, métro lignes 1,5 et 8
Horaires
 
Tous les jours de 10 h à 18 h
Sauf les lundis et jours fériés
Tarifs
 
Collections : entrée gratuite
Exposition "Juliette Drouet" : 7 euros
tarif réduit: 5,50 euros
Plus d' infos
Au centre d'information, vous pourrez consulter le guide de la Maison de Victor Hugo en français ou en anglais, ainsi que le catalogue de l’exposition «Juliette Drouet», et recevoir le dépliant du musée.
 
  A propos de l' auteur...

Fille d'un amateur d'art et grand collectionneur, Anne de Montalembert a, dès sa jeunesse, été très sensibilisée par le monde de l'art. Avec son mari, le Comte Bruno de Montalembert, elle a continué cette tradition et culture familiales en s'intéressant au monde de l'art et de son marché par de très nombreux voyages et séjours à l'etranger, notamment en Europe. Elle est diplomée de l'Institut d' Etudes Supérieures des Arts (IESA).
 
 
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