ジヴェルニー, モネの庭
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MMF : Quelle occasion vous a amené à travailler à Giverny :

Gilbert Vahé : A cette époque, j'étais célibataire et travaillais dans ce monde professionnel à des postes et des lieux, les plus variés possibles. En France, chez un Orchidophile, puis chez un spécialiste des plantes d'intérieur, chez un fleuriste, dans une administration en service espaces verts, comme décorateur floral d'intérieur indépendant, comme chef d'atelier à l'école d' ENSH à Versailles. Puis nous avons fondé avec deux élèves , une société paysagère de création et d'entretien.
Monsieur et Madame Van Der Kemp en 1978
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
En 1976, j'ai été contacté par Monsieur le Directeur de l'ENSH m'apprenant que Monsieur Van Der Kemp recherchait quelqu'un pour restaurer la propriété du peintre Claude Monet. Le rendez-vous fut pris avec Monsieur Van Der Kemp, à l'époque Conservateur en Chef du Château de Versailles et Membre de l'Académie des Beaux Arts à qui appartient la propriété.
MMF : Quelles sources avez-vous utilisées pour recréer le jardin de Claude Monet ?

Gilbert Vahé : Claude Monet a quitté la vie et son jardin le 5 décembre 1926. Blanche Hoschedé, sa belle fille, a continué l'entretien du domaine jusqu'à sa disparition le 8 décembre 1947. Michel Monet, son dernier fils vivant, reprit la propriété familiale ; il ne l'habitait pas continuellement et avait engagé un couple de jardinier-gardien, la Famille Blin, pour en assurer l'entretien. En 1966, Michel Monet décède suite à un accident de la circulation intervenue à Vernon. Dernier survivant en ligne directe de Claude Monet, car il n'a pas eu d'enfant, son frère non plus, il légua par testament la propriété de Claude Monet et son contenu à l'Académie des Beaux Arts. Les tableaux et les documents, écrits et photographiques qui s'y trouvaient, pour des raisons de sécurités, ont été transférés au Musée Marmottan appartenant également à cette Académie. C'est dans ce Musée situé 2, rue Louis Boilly à Paris 75016, qu'ils ont été mis en valeur et sont présentés au public tous les jours de la semaine de 10 heures à 18 heures sauf le lundi, fermé les 1er mai et 25 décembre.
Début de la restauration en 1976
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
Il ne s'est écoulé que 50 années (1926-1976) entre le décès de Claude Monet et le début de la restauration de son jardin entrepris par Monsieur Van Der Kemp ; de plus, il existait une certaine similitude entre les deux personnages : mariés deux fois, dont la deuxième épouse avait un profil de femme d'affaire, peintres passionnés de jardinage, toutes les dispositions pour que ces deux hommes côtoient les mêmes amis ou leurs descendants. C'est grâce à cela que nous avons pu recueillir une multitude de données, auprès de la famille Hoschedé Monet qui a vécu leur enfance à Giverny, auprès des fournisseurs Truffaut, Vilmorin, etc… , auprès de jardiniers qui avaient travaillé dans cette propriété. Claude Monet a connu le début de la photographie et s'intéressait à cette nouveauté. Il nous a laissé plusieurs autochromes, de vues représentant son jardin, et aussi des clichés en noir et blanc. Ces tableaux nous ont servi aussi pour déterminer l'ambiance de son jardin. La restauration s'est achevée par l'ouverture au public en juin 1980. Depuis, nous accueillons les visiteurs du 1er avril au 31 octobre de 9 heures 30 à 18 heures ; ouverture exceptionnelle les lundis fériés.
MMF : Quelle partie du jardin, en particulier, vous semble refléter l'esprit de Monet ?

Vue du Clos Normand
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
Gilbert Vahé : A mon avis il n'y a pas d'emplacement particulier qui reflète l'esprit de Monet ; tout le jardin est son oeuvre et représente une certaine évolution liée à sa peinture. Le Clos Normand, cadastré pour une surface de 9175 m2, est situé face à sa maison et descendait à son époque vers la voie ferrée qui a maintenant disparu et a été remplacée par une route à forte circulation qui sépare le Clos Normand du Jardin d'Eau. Ce premier jardin a une conception parcellaire composée d'une multitude de massifs séparés par de petites allées Il n'y a que trois pelouses qui sont elles aussi plantées d'une multitude de bulbes, de vivaces en plus des arbres à fleurs.
Ce jardin, pour moi, tient sa particularité dans le fait qu'il est conçu comme une palette de peinture ; les massifs de fleurs sont des taches de couleurs. Il appartient donc aux visiteurs, aux peintres, aux photographes, de composer son décor suivant leur inspiration. Je veux dire par là qu'en se promenant dans ce jardin et en empruntant ses petites allées qui se croisent suivant l'endroit, on peut choisir son cadre de décor, soit monochrome, ou polychrome, ou un premier plan de couleurs chaudes et un fond de couleurs froides, ou attendre que la lumière joue avec ces éléments.
Vues du Clos Normand
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
Ce n'est pas un jardin classique qui a été dessiné et conçu avec des points de fuite, des pools d'intérêt, des zones de repos pour l'oeil, et où le cheminement des visiteurs a été déterminé. Claude Monet a commencé l'aménagement du Clos Normand par les deux grands massifs qui bordaient l'allée centrale. Au centre de ceux-ci se trouvaient à son arrivée des sapins (épicéa). Cette allée divise le jardin en deux parties, et mène au perron central de sa demeure. Son aménagement floral est lié à deux concepts :
L'allée centrale au printemps
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
- le premier, pour l'hiver et le printemps, est constitué d'une plantation de bisannuelles, de bulbes, de vivaces répartie en taches plus ou mois grandes, alternant sur les volumes, les surfaces, les couleurs chaudes et froides ponctuées de taches de lumière comme le blanc et le jaune. Plus difficile à comprendre, car très différent du deuxième concept, à la restauration, j'ai exécuté cet aménagement sous la directive de Monsieur Gérald Van Der Kemp, Conservateur, qui avait rassemblé les informations provenant de la famille à Claude Monet, de ses amis, et de jardiniers qui avaient travaillé dans cette propriété. Un petit doute était présent en moi quand à la véracité de cet aménagement car je ne comprenais pas pourquoi ce contraste entre le printemps et l'automne. Une dizaine d'années plus tard, j'ai pu visionner un autochrome représentant ce massif au printemps ; c'était la représentation exacte de ce que nous avons réalisé ; le petit doute s'est dissipé, et l'explication m'est apparue. Sur cette photographie figurait également, au centre du massif, la rangée d'épicéas que Claude Monet a fait disparaître dans la deuxième moitié de sa résidence à Giverny. Connaissant son attachement à la lumière et les études picturales qu'il a menées tout au long de sa carrière, il va de soi que l'explication était là. Ces arbres plantés en ligne, généraient des taches d'ombre et de lumière qui alternaient. Claude Monet, lui, voulait apporter de la lumière en plantant des fleurs blanche ou jaune par taches dans les zones d'ombre pour les éclairer. Avec le temps, il a réussi à faire abattre ces arbres qui gênaient ces plantations s'opposant au désir de Madame Alice Monet qui voulait les garder. Les arbres ont disparu, mais l'arrangement floral parcellaire est resté.
L'allée centrale au début de l'automne
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
- le deuxième, pour l'été et l'automne, est constitué de plantations en dégradé pour la forme. Ces massifs étant bombé à leur dessus, sont plantés de vivaces, comme les hetianthus… qui mesurent 2 à3 mètres. La voûte supérieure est constituée par le feuillage de rosiers grimpant supportés par des portiques. En redescendant, des helianthus au bord du massif ; ce sont des plantations en dégradés, terminées par des capucines que nous obligeons à courir vers le centre de l'allée. Il a voulu créer un effet tunnel partant de sa maison, passant par cette allée centrale, empruntant la voûte du Pont Japonais pour butter sur le sombre d'un hêtre pourpre et l'ombre des bambous, à l'autre bout de sa propriété d'où émerge la lumière. Il a accentué cet effet en plantant les fleurs, non plus par taches, mais en lignes de couleurs claires et lignes de couleurs foncées. Cette conception a été voulue par Claude Monet. Il s'en est servi comme sujet pour sa peinture, et a choisi aussi cet emplacement pour y être photographié. A mon avis pour un homme qui cherchait à aller toujours plus loin dans sa ligne de conduite, là, il a atteint le bout du tunnel. Il est passé de l'impression pour sa peinture à l'oppression dans sa passion pour la nature. C'est ce que dégage ce concept d'aménagements, quand vous circulez au centre de cette allée tunnel végétal, zigzagant sur l'espace laissé vacant par l'envahissante capucine qui vient lécher vos pieds, entourée de part et d'autre de végétation, de couleurs, qui vous guident vers ce point lumineux de sortie. On se sent tout petit devant cette nature. Pour l'avoir vécu, c'est la même impression que l'on peut vivre sur un petit bateau par grosse mer sur l'océan, l'impression d'être une infime poussière devant cet élément naturel.
Les nymphéas
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
MMF : Pensez-vous qu'on puisse connaître quelqu'un à travers le jardin qu'il a créé ?

Gilbert Vahé : Bien entendu, un jardin est le reflet d'un individu. Il s'en sert pour exprimer des sensations, des souvenirs, des plaisirs, et en dernier, laisser son empreinte dans le temps. Il suffit d'analyser les réponses apportées à ces questions pour déterminer qui est l'homme qui a conçu ce jardin.

MMF : Si c'est le cas, que peut-on dire de l'homme qu'était Monet, lorsque l'on visite son jardin ?

Gilbert Vahé : On peut dire que c'était un homme bon, aimant la vie, et passionné dans les domaines qu'il affectionnait : la peinture, la nature et la cuisine.
La peinture, il a étudié toutes les subtilités liées à la transformation visuelle du sujet, sous l'effet des variations dues aux rayonnements de la lumière suivant les angles de réflexion déterminés par le temps solaire. (Par la position du soleil dans le ciel). Sa progression l'a emmené vers l'eau et ses réflexions, le nympheas fleurs marquant la limite entre le milieu aérien et le milieu aquatique pour terminer par l'étude de ce milieu.
La nature. Il a commencé par aménager le Clos Normand pour terminer par le Jardin d'Eau. Comme vous avez pu vous en rendre compte plus haut dans l'aménagement de son allée centrale, il a exprimé une sensation. Pour le souvenir, c'est une coutume que l'on rencontre chez les jardiniers ; ils reçoivent d'amis, des plants qu'ils disposent dans leur jardin, et l'attention qu'ils portent à leur jardin dans les tâches quotidiennes ( arrosage ) les emmène à se souvenir de ces amis. Claude Monet pendant les 43 ans passés dans son jardin à Giverny, a planté beaucoup de plantes offertes par des amis dont une partie provenait de ses amis japonais. Il se dit que le jour de son décès, le 5 décembre 1926, il a reçu en provenance du Japon un colis de bulbes de lis offert par Monsieur Kuroki.
Le jardin d'eau
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
Le plaisir, dans ce jardin c'est le plaisir des yeux, du nez par les odeurs qu'il exhale ; c'est le dernier élément qui démontre le caractère d'un homme qui aime la vie et trouve toute son énergie dans la nature. Si son jardin avait comporté une aire de jeux, ou des emplacements pour mettre en présentation d'autres oeuvres d'art, mon jugement aurait été différent.
Dans le chapitre nature, sa progression s'est terminée par une chose mal connue, mais dont nous avons quelques preuves pour argumenter ces dires. La création de nouvelles variétés, l'oeuvre ultime : transmettre aux générations suivantes un nouveau végétal. Par l'intermédiaire d'écrits, nous savons qu'il a sélectionné une nouvelle variété d'iris germanica, un nouveau papaver, et crée un dahlia collerette à partir de la variété Etoile de Digoin blanc. Il a obtenu un dahlia simple jaune flammé orange qu'il a baptisé la Digoinaise.
La cuisine : il aimait recevoir ses amis et leur faire partager les plaisirs de sa table. Pour cela, en plus d'une bonne cuisinière qui écoutait ses observations, il possédait au milieu de Giverny un grand potager sous la maison bleue, dans lequel étaient produits les légumes, et plantés les excédents de vivaces. Ce domaine ayant un rapport avec la nature, mais n'étant pas le mien, je n'ai pas d'éléments pour constater son évolution.
Jardinier au Clos Normand
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
MMF : Quel est le nombre de jardiniers travaillant actuellement sur la propriété ?

Gilbert Vahé : Nous sommes approximativement dix jardiniers à travailler pour le jardin de Claude Monet. Actuellement pour des raisons liées aux nombres de visiteurs, et à notre mobilité dans ce jardin, nous l'avons divisé en secteurs de travail. Le Clos Normand comprend deux secteurs, Est et Ouest, l'axe de l'allée centrale servant de limite. Il y a un secteur jardin d'eau, auquel sont rattachés les extérieurs, et un secteur production qui assure 90% de nos besoins en annuelles, bisannuelles et vivaces, soit au total approximativement 100 000 plantes par an. Au point de vue personnel, chaque secteur comprend un jardinier professionnel responsable du secteur, et un jardinier aide, plus un demi poste d'aide à l'insertion rémunéré par l'état. Mes fonctions sont polyvalentes, mais plus proches de la production, car ce secteur est un peu désavantagé ; il ne comprend pas de jardinier aide, mais deux apprentis.
Le pont cintré
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
MMF : Lorsque vous avez dirigé la reconstitution du jardin de Kitagawa à Shikoku quelles difficultées se sont présentées à vous ?

Gilbert Vahé : Ce projet du Jardin Monet Marmottan au Village de Kitagawa, que Monsieur Gérald Van Der Kemp a choisi pour marquer le passage à l'an 2000, était un challenge à réaliser sur cet emplacement. La position géographique, face à la mer et à ses typhons, le relief du terrain très escarpé, les conditions climatiques qui induisent un biotope différent, les techniques de jardinage liées à notre culture intellectuelle, ont généré autant de difficultés qu'il a fallu résoudre.
Je voudrais remercier tous les intervenants qui ont mené à bien ce projet à tous les niveaux, du plus influant au plus humble, des élus, aux sociétés privées ; toutes ces personnes ont participé à la réussite de ce challenge. Il me paressait impensable que l'on puisse reproduire une parcelle de notre Normandie sous un climat tropical et aussi hostile à notre biotope, et pourtant chacun dans son domaine a trouvé la solution pour aplanir ces difficultés. Pour ma part, la plus grande difficulté a été de comprendre pourquoi les jardiniers japonais, qui sont de très bons techniciens, interprétaient différemment ce qui me semblait évident. C'est le temps et le fait qu'ils soient venus travailler en France dans le jardin de Claude Monet qui a permis cette compréhension. Ce jardin Claude Monet Marmottan au village de Kitagawa, bien que de structure un peut différente, représente parfaitement l'esprit du jardin que Claude Monet a réalisé à Giverny. Tous les points handicapant sa réalisation ont trouvé une solution avantageuse ; le relief du terrain a séparé les deux parties, le jardin d'eau et le Clos Normand, permettant de réserver un espace assez important de commodité pour isoler les deux styles de jardin. La mer a servi de pool d'intérêt à quelques points de fuite. Le climat et la différence de biotope ont permis d'enrichir la gamme végétale entrant dans la composition de ce jardin. Le seul élément différent et hostile qui reste présent, ce sont les typhons. Pour cette raison, j'admire ces jardiniers qui remettent sans arrêt leur travail en question et luttent contre les éléments naturels.
MMF : Quand vous êtes venu au Japon et avez visité des jardins japonais pour la première fois, avez-vous senti un lien fort entre ces jardins et celui de la propriété de Claude Monet à Giverny ?

Gilbert Vahé : Le lien le plus évident entre le Jardin Claude Monet et le Jardin Japonais, c'est le pont que l'on nomme en France Pont Japonais, car il possède le même cintre que ceux que j'ai rencontré en visitant ces jardins. Au Japon, un jardinier m'a dit qu'il était appelé clair de lune, son cintre permettait de laisser passer les rayons de lumière et le reflet de la lune. Dans la conception de son jardin d'eau, Claude Monet a fait creuser un étang quatre fois plus long que large, comportant un étranglement où il a installé son pont, qui séparait cette pièce d'eau en deux. La grande partie toute en longueur lui permettait de peindre la réflexion en lumière directe. De l'autre côté du pont sur la petite partie située à l'ouest, il a planté un massif de bambous qui avait pour but en plus de motiver la présence de ce pont, de créer une zone d'ombre.
Le jardin d'eau
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
Empruntant la même idée japonaise, il voulait que la lumière passe sous ce pont pour éclairer les nymphéas situés dans cette ombre. J'ai remarqué une petite différence entre les deux ponts, les ponts japonais sont généralement de couleur rouge, celui de Claude Monet est vert. Les autres liens sont plus discrets et sont représentés par l'importance du milieu aquatique, et la similitude des végétaux employés dans la conception de ces jardins.
La Fondation Claude Monet
© G.VAHE / Fondation Claude Monet
ADRESSE
Fondation Claude Monet
84,Rue Claude-Monet 27620 Giverny
HORAIRES
Tous les jours de 9h30 à 18h00 du 1er avril au 31 octobre
TARIFS
Adultes: 9 euros
(Enfants -12 ans: et etudiants 5 euros,
Enfants -7 ans: gratuit
Handicapés: 4 €)
URL:
http://www.fondation-monet.com/
 

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