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Interview de Monsieur Jean-Luc Dufresne,
conservateur en chef du Musée Christian Dior. Le 12 avril
2005. |
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MMF : Vous êtes
à l'origine de ce musée et vous y consacrez la
plus grande partie de votre temps. Pourquoi ce musée,
et pourquoi Christian Dior ? |
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JLD : Effectivement, je suis à l'origine
de ce musée puisqu'en 1986- 87, à Granville, sa
ville natale, on avait un peu oublié Christian Dior.
Il y avait bien le Jardin Christian Dior sans que les gens ne
sachent vraiment pourquoi. J'ai eu l'idée d'organiser
une grande exposition pour fêter l'anniversaire des 40
ans de la maison de couture, en rappelant que Christian Dior
avait beaucoup de liens avec Granville. Et comme cela a été
un succés important, cela a permis de créer une
collection grâce à des dons et des acquisitions
(de robes, de documents, d'objets) et j'ai demandé si
ce ne serait pas logique que cette collection aille dans la
maison où Christian Dior a passé son enfance.
Je l'ai fait pour plusieurs raisons: une raison anecdotique
au départ car ma mère était une cousine
de Christian Dior. Je connaissais un petit peu le personnage
que j'ai vu une ou deux fois lorsque j'étais petit enfant
et j'avais surtout lu le livre où il avait écrit
ses mémoires, et dans lequel il parlait d'une manière
très sympathique de ses souvenirs de Granville et j'étais
surpris qu'un grand créateur ait autant de liens avec
son lieu d'origine.
Je crois beaucoup à cette formule: « the child
is the father of the man » surtout pour les gens qui sont
un peu artistes : l'enfant n'est peut-être pas le père
de tous les hommes mais c'est, je pense, le père de tous
les artistes. Expliquer Christian Dior par sa jeunesse à
Granville correspond en tous cas à un autre regard que
celui que l'on a de l'oeuvre de ce couturier à Paris
ou à New York.
J'ai donc développé le musée autour du
concept de « Lieu de mémoire » (la maison
de l'artiste) mais je voulais aussi que ce soit un lieu où
l'on réflechisse sur la créativité de la
mode au 20ème siècle. |
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MMF : Le musée
Christian Dior de Granville est donc aussi un musée de
la mode ? |
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JLD : Oui, tout de même. J'étais
face à un dilemme quand on a commencé à
transformer la maison en musée; les gens pensaient que
je ferai un musée uniquement biographique, comme il ya
des maisons d'écrivain, et j'ai dû me battre pour
ne pas m'enfermer dans ce concept, et en faire un musée
vivant, puisque, chaque année, se tient une exposition
thématique autour de la création de Christian
Dior.
Bien sûr, si il n'y avait pas la maison et les liens familiaux,
il n'y aurait rien, mais je ne pouvais pas envisager de ne pas
parler aussi de la création de Dior.Finalement, lorsqu'on
a aménagé le musée en 1996-97, on a priviligié
le fait que ce ne soit pas seulement une maison d'artiste mais
un espace avec les mêmes conditions de présentation,
et les mêmes exigences que dans les musées de mode
de Paris. |
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MMF : En quoi
l'exposition de cette année, la 13ème organisée
au musée Christian Dior de Granville, est-elle spéciale
? |
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JLD : Elle est particulière
parce que cette année, c'est le centenaire de Christian
Dior. Elle est donc entourée d'une attention considérable
puisque nous avons obtenu que, pour la première fois,
l'anniversaire d'un couturier soit considéré comme
une célébration nationale, et que cette exposition
soit une des 12 expositions reconnues d'intérêt
national en 2005.
Et d'ailleurs le ministre de la culture, qui inaugurera l'exposition,
a écrit la préface du catalogue.
Voici pour le contexte, le contenu maintenant: c'est l'occasion
de refaire un peu ce que j'avais fait en 1987, sauf que j'avais
surtout montré les aspects « non-mode » de
la vie de Christian Dior alors que, cette fois-ci, je concentre
beaucoup l'exposition sur la création de mode.
Cette exposition, c'est donc l'occasion de parcourir la vie
de Christian Dior et aussi de saluer le nouvel aménagement
du musée: nous avons développé le côté
maison d'artiste au rez de chaussé, investi dans le jardin
pour qu'il soit à l'image de ce qu'il était dans
les années 20 (avec aussi tout un travail sur l'histoire
du parfum), et de manière à ce que le musée
puisse accueillir les prêts les plus rares, nous avons
complété la climatisation qui est donc aux normes
internationales, notamment pour les objets de mode.
Tous ce éléments vont nous bénéficier
pour les années à venir.Et puis nous en avons
profité pour mener à bien un projet éditorial
important. Je vous ai dit que, enfant, j'avais lu avec beaucoup
de plaisir les mémoires de mon illustre cousin, Christian
Dior et moi. Et bien nous coéditons avec Artlys un livre
que j'ai appelé Christian Dior homme du Siècle,
et qui contient la réedition intégrale des mémoires
de Christian Dior, avec de nombreuses illustrations. Ce livre
qui était épuisé depuis les années
50, sera également édité en anglais. |
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MMF:Pourriez-vous
nous dire quelques mots sur Christian Dior et le Japon. |
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JLD : Dans l'exposition « Christian
Dior homme du Siècle » nous évoquons au
passage sa relation avec le Japon. Nous empruntons d'ailleurs
au Kyoto Costume Institute plusieurs robes, dont deux robes
réalisées par Daimaru dans les années 50,
quand cette société avait un accord spécifique
avec Dior.
Ce thème, Dior international, sera approfondi, et le
thème Dior et l'Orient pourrait être un thème
d'exposition au Japon même ! |
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MMF:En conclusion,
avez-vous un message pour les visiteurs japonais ? |
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JLD : Je rappelle à nos amis japonais
que Granville est à 40 km du Mt St Michel et que les
voyageurs qui iront voir ce célèbre site entre
le 15 mai et le 25 septembre, pourront faire un petit détour
pour ne pas manquer notre exposition qui bénéficie
notamment d'un très important prêt de robes du
Metropolitan Museum de New York.
Et, si ce n'est pas possible cette année, venez les années
suivantes car, comme je vous le disait, le musée prend
à partir de cette année, une nouvelle dimension
!
Dès 2006, le musée sera d'ailleurs ouvert toute
l'année pour les groupes, sur rendez-vous. |
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