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"On a beaucoup dans cette exposition de ces objets très raffinés, créés pour accompagner le défunt dans l'au-delà, qui donnent en même temps une image intime de l'homme égyptien."
Q : Comment avez-vous conçu cette exposition ?

A : Cette exposition a été conçue comme une histoire de l'homme égyptien en quatre chapitre. Le premier est consacré à sa vie privée, le deuxième, à sa fonction dans la société, le troisième au Pharaon, puisque, s'il est le représentant des dieux, c'est aussi un homme ; enfin, le quatrième chapitre est assez particulier, puisqu'il est consacré à la mort et que c'est par la mort que l'on connaît la civilisation égyptienne, à travers les tombes, les momies, les pyramides.
Q : Comment peut-on reconstituer une civilisation quand les seules traces dont on dispose ne sont pratiquement que ses représentations de la mort ?

A : Pour l'Egypte, on a la chance d'avoir un climat très sec qui a merveilleusement conservé toutes ces traces, dont de nombreux documents écrits qui étaient conservés dans les tombes. Donc, on a les papyrus qui donnent des indications précieuses sur les personnalités des gens qui sont enterrés là, beaucoup d'objets de la vie quotidienne, des sièges, des livres, des textiles, des bijoux, ce qui tourne autour de la parure, du maquillage. On a beaucoup dans cette exposition de ces objets très raffinés qui donnent en même temps une image intime de l'homme égyptien. C'est grâce au mobilier funéraire que l'on accède à une connaissance intime de cette société.
Q : Quels sont les objets les plus pertinents pour comprendre l'homme égyptien ?

A : Il faut bien voir que tous ces objets font partie d'un mobilier funéraire et sont donc là pour donner une image favorable du défunt, et donc offrent une image un peu factice. Par exemple, on ne verra jamais d'image représentant un homme trop gros ou laid, ceci sur le plan esthètique. Sur le plan moral, ils ont à coeur de partir dans l'au-delà, de se faire enterrer, avec des textes qui racontent qu'ils ont eu une vie exemplaire. Ce sont donc des objets et des monuments qui donnent une image idéale, il faut le savoir, mais cela ne doit pas empêcher, au contraire, de se laisser aller à la magie de cette image. Alors, c'est effectivement un art superbe, particulièrement, à mon sens, dans la polychromie et la douceur de l'exécution, mais nous sommes quand même manipulés quant à la vérité de l'homme égyptien, puisque ce sont des oeuvres qui le montrent sous son meilleur aspect.
Q : Y a-t-il un concept particulier à connaître pour mieux comprendre l'art égyptien ?

A : Tout à fait. Il y a une grammaire de l'art égyptien ; de même que les idéogrammes sont des images des paysages, de la population, de la faune, de la flore, les représentations même en trois dimensions comme les statues font partie d'un système graphique, d'un discours, qui doit mettre le monde et l'homme en accord avec ce qui s'appelle la Maat, qui est un concept fondamental pour la civilisation égyptienne qui fait que le soleil se lève le matin, se couche le soir, que la Nil coule dans le bon sens, que la crue arrive, bref c'est l'harmonie, c'est l'équité, c'est l'absence de chaos. Tout l'art égyptien tend à faire respecter ce système d'équilibre. C'est un système cosmologique qui permet au monde égyptien de survivre, et il faut bien se dire que toutes les oeuvres d'art égyptiennes, ce que nous considérons comme de l'art, sont en accord avec ce système cosmique ; et c'est ça qui est très beau, ce ne sont pas de simples représentations des individus mais des images qui permettent à ces individus d'être en harmonie avec ce système cosmique. La notion d'art pour l'art n'existe pas, tout art a pour fonction d'adhérer à la notion de la Maat, et évidemment de connaître l'éternité.
Q : Les bijoux participent aussi de cette cosmologie ?

A : Les bijoux ont plus une fonction magique, de protection contre les mauvaises influences, les mauvais esprits, et aident la momie à garder son intégrité. La peur des égyptiens anciens était que le corps disparaisse, soit attaqué dans la tombe, donc il était entouré de bandelettes pour la momification, de bijoux et de textes qui devaient permettre au défunt de préserver son intégrité physique.
Q : Le maquillage également ?

A : C'est une bonne question, parce que l'on voit bien sur les représentations des tombes que les hommes et les femmes étaient très maquillés, mais on ne sait pas s'ils l'étaient dans la vie réelle. Le kohol, qui est le maquillage des yeux, par exemple, n'avait pas qu'une fonction de décoration, mais servait aussi à protéger contre certaines infections. Et actuellement encore, les égyptiens continuent à mettre du kohol sur leurs yeux et ceux des enfants pour les protéger contre le sable et la secheresse qui pourraient développer de nombreuses infections.
Q : Du point de vue esthètique, qu'est-ce qui caractérise les bijoux égyptiens ?

A : La particularité, c'est qu'ils sont très chargés. C'est une société qui aimait beaucoup le clinquant, tout ce qui brille, l'or, les matières précieuses, tout ce qui est très coloré. Mais ces bijoux n'étaient pas portés quotidiennement. Ce qui était important c'était d'être représenté avec ces bijoux, ces parures, de donner une belle image de soi. Ainsi, en égyptien ancien le mot pour désigner le sculpteur signifie "celui qui fait vivre", ce qui montre bien que la représentation servait à authentifier la vie, et que les bijoux, les perruques étaient loin d'être portés dans la vie quotidienne, d'autant plus qu'il fait très chaud en Egypte.
Q : D'où provient cette riche collection du Musée du Louvre ?

A : Pas de Napoléon Bonaparte, comme on le croit souvent, parce que l'armée française a été battue par les Anglais et n'a donc rien pu rapporter en France, mais des fouilles qui ont été menées par la France à partir de 1850. Par contre, même si l' expédition de Napoléon a été très mal terminé, son travail en Egypte est magnifique du point de vue de la connaissance qu'on a de l'Egypte au début du XIXe siècle. La Description de l'Egypte est phénoménale. C'est un inventaire extraordinaire de l'état de l'Egypte. Grâce à cela, même si la fameuse pierre de Rosette se trouve au British Museum, c'est un chercheur français, Champollion qui a pu déchiffrer les hiéroglyphes, fondant ainsi l'Egyptologie.
Q : Quelle est votre oeuvre préférée dans cette exposition ?

A : J'aime particulièrement la statue de Sésostris III (cat.98), d'abord parce qu'elle est très belle et ensuite parce qu'elle est particulière en ce sens qu'elle s'éloigne d'un type idéal pour montrer une personnalité propre avec des traits particuliers, ainsi les grandes oreilles qui symbolisent que ce pharaon était à l'écoute de son peuple. Il y a aussi la stèle de Sakherti (cat.48) où l'on voit deux couples de défunts avec tous leurs enfants qui leur apportent des offrandes funéraires. Et également de très belles cuillères à fard(cat.96,97). Il y a vraiment des merveilles.
Q : Cela n'a-t-il pas été difficile d'organiser le transport et l'exposition de toutes ces oeuvres ?

A : Si, puisque concernant l'Egypte, les oeuvres sont soit très grandes et lourdes, comme les sarcophages, soit très fragiles comme les papyrus ou les momies. Mais tout s'est très bien passé, parce que les Japonais sont très professionnels. Cela a été d'ailleurs plus difficile de retirer le sarcophage du Musée du Louvre, qui est un ancien palais, que de l'installer au Musée de Nagoya qui est très moderne, donc a toutes les commodités nécessaires à l'installation d'expositions.
Q : Pour finir que conseilleriez-vous comme visite aux Japonais venant au Louvre ?

A : Bien sûr, les chefs-d'oeuvre qu'ils n'auront pas pu voir au Japon, puisqu'on ne les prête jamais, comme le Scribe accroupi, et aussi le relief de Séthi Ier et Hathor.
Entretien réalisé au Louvre par Abe Asuka

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