LOUVRE YOKOHAMA
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Interviewé : Monsieur Vincent Pomarède
Conservateur général du patrimoine chargé du département des Peintures
MMF:Vous avez choisi d’articuler cette exposition selon les trois grands mouvements artistiques de la première moitié du XIXe siècle. Pourriez-vous expliquer la raison de votre choix ?

Vincent Pomarède(VP):Néo-classicisme, Romantisme et Réalisme sont les mouvements majeurs de la première moitié du XIXe siècle. On a tendance souvent à faire passer ces trois mouvements l’un après l’autre, c’est-à-dire que le Néo-classicisme vient d’abord, puis le Romantisme vient combattre le Néo-classicisme et gagne un peu la bataille et il s’impose, et puis le Romantisme trouve finalement à déboucher dans le Réalisme.
Je pense qu’en fait, ces trois tendances sont vraiement constitutives de la peinture française au début du XIXe. Il y a en même temps chez les peintres le désir de se situer par rapport à leur tradition, il y a un grand respect de la tradition, y compris chez les romantiques et les réalistes, qui aimaient beaucoup les grands peintres, la Renaissance, etc. Il y a d’un autre côté un désir de faire parler ses sentiments, d’exprimer les sentiments, ça c’est aussi bien chez David ou Ingres, qui sont des néo-classiques que chez Delacroix ou Géricault. Il y a enfin une obsession de représenter la réalité de la nature, la réalité de la figure humaine, y compris dans ce qu’elle peut avoir de plus banal, de plus choquant, de plus étrange, donc de plus réaliste, en fait. Et ces trois manières d’envisager la peinture, on les trouve aussi bien en 1780 qu’en 1850, on les trouve aussi fortement chez tous les grands créateurs du XIXe siècle.
Donc, je pense que c’est important de structurer l’exposition autour de cette idée de manière à ce que les visiteurs comprennent qu’il y a des écoles, qu’il y a des tendances, et en même temps que ces tendances ne sont pas des choses qui s’enchaînent forcément comme ça, mais sont des choses vivantes, qu’il y a des dominants à certain moment, moins à d’autre.
Et du coup, ça permet de mieux faire comprendre les genres picturaux, le paysage ou la scène de genre, le tableau d’histoire ou le portrait, etc, parce qu’on retrouve en fait, ces trois tendances à l’intérieur de chacun des genres. Il y a des paysages néo-classique, des paysages réalistes, des paysages romantiques, et aussi des paysages où les trois sont mélés. C’est vrai que dans le domaine de l’histoire de l’art, ce n’est pas une chose complètement nouvelle, mais c’est une affirmation quand-même assez forte, parce que l’histoire de l’art envisage souvent les courants comme se succèdant.

MMF:Comment les œuvres sont-elles présentées ?

VP:Par genre. Il y aura une salle des portraits, une salle des paysages, une salle de peintures d’histoire. C’est beaucoup plus intéressant parce que du coup, le visiteur va voir des portraits, et va par lui-même voir des portraits qui sont un peu plus tourmentés, d’autres un peu plus réalistes, d’autres un peu plus classiques, dans certains portraits il va voir les trois ensemble. Alors évidemment en fonction de la culture des gens, ça va être plus ou moins en fonction de l’histoire de l’art, mais ça peut se faire aussi par rapport à sa propre affectivité : c’est violent, c’est gai, c’est triste, c’est coloré, etc. Mais en fait c’est la même chose, la différence, c’est qu’on met des mots plus savants, des mots d’historien de l’art sur des impressions.

MMF:Vous parlez pour cette exposition de la naissance de la « peinture moderne ». Comment définiriez-vous la « peinture moderne » ?

VP:C’est très difficile ce terme de  « peinture moderne », parce que effectivement dans l’histoire de l’art, la peinture moderne, c’est la peinture qui commence au XIXe et qui dure jusqu’au 1940-1950. Le terme, je dirai  « scolaire », de peinture moderne, ce n’est pas tout à fait dans ce sens-là qu’on l’a utilisé.
L’idée est que le peintre est moderne quand il est le peintre de la vie moderne ; c’est une idée exprimée par Baudelaire. C’est-à-dire premièrement quand il représente le monde moderne, les villes, les industries, l’homme dans sa vie de tous les jours ou les paysages très simples, la nature telle qu’elle est. C’est-à-dire que le modernisme est de choisir des sujets contemporains plutôt que des sujets tirés de l’histoire, de l’antiquité ou de la littérature.  Deuxièmement, le fait que l’on peut prendre des sujets anciens tirés de la littérature ou de l’histoire, etc., mais que cela devient intéressant et créatif si on les traite d’une façon moderne. C’est-à-dire si on invente des formes nouvelles, si on essaie des iconographies nouvelles, si on tente des compositions nouvelles. Et troisièment, le fait que les artistes moderne, cette fois, c’est-à-dire, ce qui ont travaillé après 1900, Picasso, Matisse et Kandinsky, ont beaucoup regardé les artistes de cette génération-là. Picasso adorait Ingres, Kandinsky a beaucoup regardé Corot, Delacroix, Matisse a beaucoup regardé tout le monde. Ils ont pris chez ces artistes-là justement ces aspects modernes, soit dans les sujets, soit dans leur regard moderne sur les œuvres.
C’est aussi à cette époque que se développe vraiment l’idée de l’artiste comme créateur unique, et donc disparaît l’atelier, parce que justement l’artiste a un regard moderne sur le monde et qu’il est le seul à avoir ce regard qu’il ne peut transmettre à un collaborateur. La notion de l’artiste maudit qui sera tellement forte plus tard avec Van Gogh ou Modigliani apparaît aussi à cette époque, vers 1820-1830.

MMF:Le Bain turc d’Ingres sort de France pour la première fois ?

VP:Oui, c’est un tableau très important, un des dix ou douze tableaux mythiques du Louvre, un petit peu fragile mais on a pris toutes les précautions.
C’est un tableau très complexe, oriental mais qui s’appuie sur des formes antiques, grecques et romaines, avec une composition extrêmement originale, une très grande sensualité, qu’il a réalisé très tard en 1862-1863 (il meurt en 1867), et qui est pourtant révolutionnaire, et fondamental dans l’histoire de l’art. C’est le tableau phare de l’exposition.

MMF:Que conseilleriez-vous aux visiteurs japonais qui désireraient prolonger cette exposition lors d’une visite en France ?

VP:Bien sûr, d’aller voir la peinture française qui se trouve au deuxième étage du Louvre, de passer aussi dans ce qu’on appelle les « salles rouges » où il y a les grands formats, Le radeau de la Méduse, La liberté guidant le peuple, La mort de Sardanapale, et je conseillerai aussi d’aller au Musée d’Orsay pour voir le prolongement de la modernité, qui est le thème de l’exposition, et qui ne se trouve pas au Louvre.
Comme l’impressionnisme a été toujours très à la mode, les gens vont spontanément au Musée d’Orsay pour voir les impressionnistes. Mais je suis persuadé qu’on comprend beaucoup mieux l’impressionnisme et qu’on découvre aussi plein d’autres choses qui sont intéressantes quand on fait le trajet dans le bon sens chronologique.


Monsieur Pomarède a été interviewé par Asuka Abe
le 18 mars 2005  au Pavillon Mollien du Louvre

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