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▲Monsieur
Gilles Chazal,
directeur du Petit Palais, Museé des Beaux-Arts
de la Ville de Paris
©Asuka Abe |
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MMF
: Je ne connaissais pas le Petit Palais avant sa rénovation.
Quels sont les travaux principaux que vous avez effectués
?
Gilles Chazal(G.C.) : L'objectif premier de la rénovation
a été de retrouver toutes ses qualités.
Ce monument est en lui-même une œuvre d'art.
Nous voulions retrouver l'ampleur des volumes, la présence
de lumière naturelle, et la vue aussi bien sur
les Champs Elysées que sur le jardin intérieur. |
Il y a une présence de la nature
dans ce bâtiment et autour qui correspond à
un goût contemporain. Il y avait un jardin intérieur,
mais qui s'enfonçait, qui était fermé
au public depuis dix ans, donc qui était devenu
un terrain vague. Ce qui est offert aujourd'hui au public,
c'est un palais. C'est un palais à dimension humaine
mais c'est un palais. C'est un des rares monuments 1900
complètement conservés à Paris. Et
ensuite, il y a les collections, parce que nous sommes
un musée, qui sont une découverte, parce
qu'elles étaient peu présentées. |
Pour ce qui est de la transformation
du bâtiment, en dehors du fait que nous avons retrouvé
ses qualités d'origine, ce bâtiment qui fait
à peu près 15 000 mètres carrés,
un peu plus, a grandi de 50%. Il y a une espèce
de paradoxe : nous retrouvons toutes les qualités
d'origine comme si nous nous étions contentés
de restituer le bâtiment tel qu'il était
en 1900, et en même temps, sans nuisance, le bâtiment
a grandi de 50%. |
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▲Galerie
d'exposition permanente
©Asuka Abe |
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Le miracle, c'est que le jardin est un
jardin au premier étage, et dessous il n'y avait
rien, donc nous avons creusé quasiment quatre niveaux.
Il y a maintenant un rez-de-chaussée dans lequel
on trouve un auditorium, en dessous, il y a un étage
technique pour la climatisation, et en dessous, un niveau
avec mezzanine pour les réserves de peintures et
d'objets d'art. Et au second étage, qui n'est pas
accessible au public, nous avons créé de
nouveaux planchers, ce qui fait qu'il y a 7000 mètres
carrés nouveaux pour développer tous les
services. Autrefois, toutes les réserves, tous
les bureaux étaient au rez-de-chaussée,
qui était inaccessible au public. Donc il y a une
modernisation par l'augmentation des espaces et la création
de nouveaux services, l'auditorium, le café, des
ateliers de restauration, une librairie-boutique, un cabinet
d'arts graphiques. |
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▲Galerie
droite pour les expositions temporaires
©Asuka Abe |
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MMF
: Quels sont les changements dans la disposition des œuvres
?
G.C. : Autrefois, l'espace pour les expositions temporaires
était en cercle autour du jardin, et celui des
collections permanentes se trouvait autour de ce cercle,
à proximité des fenêtres extérieures.
Le public qui venait au Petit Palais, faisait le tour
de l'exposition temporaire et repartait ensuite. Il n'allait
pas voir les collections permanentes. De plus, il n'y
avait pas de communication entre les deux circuits. Le
public ignorait donc complètement les collections
permanentes. |
Le Petit Palais était connu, comme
le Grand Palais, pour ses expositions temporaires, mais
pas comme musée. Maintenant, puisque l'axe lumineux
qui existait à l'origine a été rétabli,
l'architecte a proposé de déployer les collections
permanentes côté Champs Elysées, et
les expositions temporaires côté Seine sous
le double circuit, avec le café au centre, donnant
sur le jardin. Et comme nous avons libéré
beaucoup d'espace en creusant sous le jardin et en aménageant
le second étage, nous avons pu dépployer
les collections permanentes au rez-de-chaussée
qui étaient auparavant inaccessible au public.
Nous avions 3000 mètres carrés pour les
collections permanentes, nous en avons maintenant 5000. |
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MMF : Avec ces
grandes fenêtres et leur lumière, vous n'avez
pas
de problème de disposition des œuvres ?
G.C. : Il sera possible de garder la lumière naturelle
lorsque nous aurons des présentations de sculptures,
de mosaïques ou de céramiques. Mais c'est
vrai que dans les salles d'expositions temporaires, ce
sont des œuvres fragiles, là nous allons masquer
les fenêtres. Par exemple à l'automne 2007,
nous allons présenter nos gravures de Rembrandt,
il n'est pas question de les présenter en lumière
naturelle. |
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▲Galerie
d'exposition temporaire
©Asuka Abe |
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MMF
: Comment avez-vous conçu l'exposition
Quentin Blake et les Demoiselles des Bords de Seine ?
G.C. : L'idée première ne vient pas de nous,
Quentin Blake a réalisé ça déjâ
à Londres à la National Gallery. L'idée
nous a paru très belle et nous lui avons donné
carte blanche. |
Nous lui avons dit : vous choisissez
dans nos réserves les œuvres qui vous plaisent,
vous choisissez le thème, et vous faites vos dessins.
Il s'est centré sur le thème de la femme
en 1900. Et pour nous, il souligne le fait que le patrimoine
est source de création, et ça a en plus
un côté amusant, et nous souhaitons nous
ouvrir à un public le plus large possible. Les
musées sont faits pour le public. Or, une partie
du public a peur d'entrer dans ces établissements.
Il n'a pas de repère, il ne sait pas comment se
comporter, il ne sait pas comment juger ce qu'il voit.
Nous pensons que c'est en quelque sorte pédagogique
à l'égard de tout ce public, pour qu'il
se sente plus à l'aise. Les œuvres doivent
être respectées certes, mais en même
temps, elles ne doivent pas être considérées
comme quelque chose de lointain, d'inaccessible. De plus,
le dessin de Quentin Blake peut éveiller le désir
de dessiner chez les adultes. Mais nous ne sommes pas
allés jusqu'au bout, il n'était pas possible
d'accrocher quelques œuvres sur un mur blanc, et
de mettre un crayon en disant « allez-y ». |
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MMF : J'ai eu un
grand plaisir en visitant cette exposition.
C'était très agréable.
G.C. : Il y a des gens qui trouvent scandaleux de faire
des dessins autour des œuvres. Mais c'est justement
désacraliser les œuvres. Quand on expose,
on s'expose. Ça fait partie des règles de
jeu. |
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MMF
: Vous allez changer régulièrement l'exposition
permanente ?
G.C. : Oui, parce que c'est nécessaire, et puis
il y a des œuvres qui partiront en restauration.
Nous prêtons beaucoup et nous sommes emprunteurs.
Mais je crois que même si nous ne prêtions
pas, l'objectif serait quand même d'arriver à
renouveler les présentations, pour que les œuvres
de la réserve soient montrées, et pour que
le public ait de nouveaux attraits pour revenir. L'objectif,
c'est que le public vienne. |
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▲Galerie
d'exposition permanente
©Asuka Abe |
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▲Grille
d'entrée
©Christophe Fouin |
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MMF:
Quand le Petit Palais a été conçu,
c'était déjâ prévu qu'il
allait devenir un palais des beaux-arts ?
G.C.: Oui, l'objectif, c'était qu'il soit conçu
pour présenter des œuvres d'art, et pour l'Exposition
Universelle il abritait déjâ une exposition.
Donc il était déjâ une sorte de musée
temporaire des beaux-arts, avec un côté encyclopédie
d'art français depuis le Moyen Age jusqu'au 18éme
siècle, et ensuite, il devait servir à la
ville de Paris pour présenter ses collections de
beaux-arts, parce que la ville de Paris avait déjâ
un musée historique, le musée Carnavalet,
mais pas de musée de beaux-arts. |
C'est donc le premier musée municipal
de beaux-arts de Paris, et ensuite le Musée d'Art
moderne est né du Petit Palais. Les collections
qui sont à l'origine de la création du musée
d'Art moderne viennent du Petit Palais. L'art, à
partir du fauvisme et du cubisme, toutes les œuvres
qui étaient ici sont parties à la fin des
années 50-60. Par exemple, nous avons eu plusieurs
donations Mollard, une partie se trouve ici, et une partie
se trouve au musée d'Art moderne. Les partages
qui ont été faits, quand les musées
d'Art moderne ont été créés,
ça a été de faire démarrer
les collections à partir des ruptures esthétiques
fondamentales et avant la guerre de 14-18, fauvisme et
cubisme, Matisse-Picasso, pour faire bref. Donc est resté
ici l'art académique jusque dans les années
20. |
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MMF:
Vous avez constitué ces collections surtout par
les dons et les legs.
G.C.: Oui, tout à fait. C'est vrai que la ville
de Paris a continué à acheter, mais tout
notre fond d'art ancien vient essentiellement de legs.
Le legs Dutuit, c'est toute une collection d'antiquités
grecques jusqu'au 17émé siècle hollandais,
ensuite, il y a eu la donation Tuck, c'est tout notre
art du 18éme siècle, la donation Cabal,
toutes les icônes, voilà pour les donations
majeures d'oeuvres présentées dans les salles.
Et nous avons un peu de crédit, donc nous achetons. |
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▲Rembrant
Harmensz. van Rijn
Portrait de l'artiste en costume oriental Vers 1631-1633
Huile sur bois Legus Dutuit, 1902
©Phototépue des Musées de la
Ville de Paris |
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Aujourd'hui, acheter un Picasso cubiste
ou un Matisse fauve, c'est en dehors de nos possibilités
financières. Acheter une terre cuite hellénistique
exceptionnelle, c'est sans problème. |
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MMF : Comment situez-vous
le Petit Palais par rapport aux autres
musées parisiens ?
G.C. : Il y a le lieu lui-même, c'est un lieu magnifique,
conçu pour être un musée, c'est un
lieu isolé dans les jardins, et avec son jardin
intérieur, ses décors et tout ce que j'ai
dit. C'est un magnifique monument à visiter comme
témoin d'un des grands moments de la création
artistique à Paris. D'autre part, les collections
sont assez restreintes, et finalement, quelqu'un qui s'intéresse
à cette grande période 1880-1914 trouve,
en dehors du fauvisme et du cubisme, toutes les tendances
esthétiques. Il y a toute la tendance qui renvoie
au passé, il y a l'art nouveau, il y a aussi autour
de la librairie, quatre peintures qui viennent des décors
de l'Hôtel de Ville. Il y a les portraits mondains,
il y a la peinture populaire, il y a toute la peinture
de paysages, notamment impressionnistes, qui se prolonge.
Et puis il y a la modernité avant Matisse et Picasso,
sur laquelle Matisse et Picasso se sont appuyés,
notamment Gauguin et Cézanne. Donc déjà,
il y a le bâtiment et toutes ces œuvres qui
donnent une vue assez complète, et puis en même
temps, nous unissons dans les salles peintures, sculptures
et objets d'art, ce qui fait que toutes les salles ont
un caractère assez fort, ce sont des bons témoignages
des moments de civilisation. |
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MMF : Pour terminer,
si vous aviez un message pour le public japonais.
G.C. : Le Japon est pétri d'une culture d'art raffinée,
les objets d'art, les arts décoratifs, au sens
fort du terme, ont une grande présence dans l'histoire.
Et aujourd'hui encore, et je crois qu'il y a une sympathie
profonde de vos compatriotes pour la France, parce qu'ils
retrouvent dans la vie française une recherche
de qualité de vie qui touche à l'art, mais
aussi aux vêtements, aux parfums. Il y a une sorte
d'exigence de qualité, de goût, dans les
élites de nos deux pays. Pour notre part, nous
souhaitons contribuer â ce goût commun, à
cette appréciation commune, c'est pour ça
que nous avons organisé et que nous continuons
â organiser régulièrement des expositions
de nos collections au Japon, et que nous continuons aussi
à accueillir des collections japonaises, de l'art
japonais au Petit Palais. Par exemple, nous allons présenter
notre collection au Japon en 2006 et l'exposition Zen
est prévue pour 2008.
Nous avons une grande affinité avec votre pays,
et nous souhaitons, du point de vue de la vie culturelle
aussi développer les échanges, peut être
puiser dans la force de votre pays pour parvenir à
sortir un peu de la léthargie française. |
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▲Dôme
principal et jardin intérieur
©Christophe Fouin |
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