Arrêtez-vous dans la galerie des Griffons, impressionnante par sa hauteur, pour admirer la frise commandée par Fabre avec ses animaux mi-aigle, mi-lion. Les tableaux de cette galerie illustrent les différents courants de peinture au XVIIe siècle dont le classicisme français avec Poussin (1594-1665) et Bourdon (1616-1671). Un petit passage nous a séduit, présentant un cabinet d'amateur qui donne une idée de la façon dont les collections étaient exposées avant la création des musées.
Dans l'ancienne chambre de Fabre, deux chefs d'œuvre de l'espagnol Zurbaran (1598-1664) sont exposés : L'Ange Gabriel (vers 1631-1632), à la douceur enfantine et mystérieuse, et Sainte Agathe (vers 1635-1650), tendant le plateau sur lequel sont posés ses seins tranchés.
Autre grand moment de la visite : la majestueuse galerie des colonnes, créée en 1870, avec son éclairage zénithal, est imposante avec ses colonnes en stuc. La couleur rouge de ses murs met admirablement en valeur des œuvres monumentales de l'époque de Louis XIV (1638-1715).
En raison des goûts de Fabre, un des points forts du musée est la peinture néoclassique (courant qui prône un retour à l'antique) avec Vien (1716-1809), Vernet (1714-1789), et David (1748-1825) qui, dans son Portrait d'Alphonse Leroy (vers 1783), représente, avec sobriété, le médecin à sa table de travail, vêtu d'une robe de chambre de soie chatoyante et coiffé d'un élégant turban soigneusement mis.
La sculpture tient également une place importante dans le musée : avec l'Hiver ou la Frileuse, représentée sous les traits d'une jeune fille à demi dénudée, Houdon (1741-1828) est très novateur en révélant toute la sensualité du corps de la jeune fille. Cette œuvre est actuellement, sans conteste, un des emblèmes du musée.
Puis le parcours du musée mène à la collection Bruyas laquelle a contribué à la renommée du musée en le faisant entrer dans la modernité, notamment avec les tableaux de Courbet actuellement présentés dans l'exposition temporaire.
Cette collection comprend, entre autres, quelques chefs-d'œuvre de Delacroix (1798-1863), chef de l'école romantique, comme le remarquable Portrait d'Alfred Bruyas (1853). Le riche donateur semble ici souffrir d'une inquiétude existentielle. Son image, à la barbe et aux cheveux roux, se retrouve dans différentes salles car Bruyas aimait faire exécuter son portrait par les artistes qu'il soutenait financièrement.
Un autre chef-d'œuvre de Delacroix est le tableau orientaliste Femmes d'Alger dans leurintérieur (1849) montrant la beauté des femmes orientales dans leurs habits colorés à l'intérieur d'un harem où il règne une atmosphère mélancolique.
La salle suivante, normalement dédiée à Courbet, est consacrée au peintre montpelliérain Bazille (1841-1870). C'est une occasion de découvrir ce peintre, mort trop jeune, qui a participé à l'émergence de l'impressionnisme et qui fut l'ami de Monet (1840-1926) et de Renoir (1841-1919), avec lesquels il partagea un atelier. La Vue de village (1868) est une œuvre absolument remarquable par le rendu de la lumière d'un paysage typiquement languedocien. Dans sa peinture, Bazille est fidèle à la réalité de ce qu'il voit : assise à l'ombre d'un arbre, une petite fille est vêtue d'une robe très claire qui contraste avec la couleur verte de la nature, le soleil rendant les couleurs éclatantes et resplendissantes.
En continuant la visite, on arrive à la nouvelle aile entièrement vitrée qui abrite la donation du peintre Soulages, né en 1919. Depuis ses études à l'école des Beaux-Arts où il rencontra sa femme, ce dernier a toujours gardé des liens très forts avec Montpellier. Pour preuve de cet attachement, en 2005, il décide de donner vingt toiles et d'en prêter douze autres au musée Fabre. Le choix des toiles par l'artiste permet de mieux comprendre l'évolution de son travail sur la recherche de la lumière. En effet, à partir de 1979, s'exerce une rupture dans son œuvre. Soulages va intégrer la lumière que reçoit la peinture. Le noir couvre toute la surface de la toile mais le noir n'est plus noir car il est changeant.
Grâce à la lumière filtrée par la paroi de verre, la couleur noire s'illumine. Ainsi, pour l'artiste le noir devient lumière. Cette donation constitue un ensemble unique de ce peintre internationalement reconnu qui bénéficia d'une rétrospective au Seibu Museum Art de Tokyo en 1984 et à qui le Centre Pompidou va, à son tour, rendre hommage en organisant une exposition en 2009.