Monsieur Thierry Devynck
©Chiho Yoda

À Paris, ville natale de Savignac, se trouve la Bibliothèque Forney. Spécialisé dans les arts graphiques et les métiers d'art, la bibliothèque conserve la plus grande collection Savignac de la capitale. Elle est située au 4e arrondissement, dans l'Hôtel de Sens, qui fut construit en 1519 au titre de résidence particulière de Tristan de Salazar, l'archevêque de Sens rattaché alors à l'évêché de Paris.
Aujourd'hui, l'hôtel devenu bibliothèque ouvre ses portes au public et sa collection est accessible à tous.
La Maison des Musées de France a rencontré Monsieur Thierry Devynck, conservateur de la Bibliothèque Forney, pour nous parler de l'artiste.

Le roquefort Maria Grimal, 1933
©Raymond Savignac et son ayant-droit Annie Charpentier

MMF : Pouvez-vous vous présenter brièvement, et nous parler de la collection Savignac à la Bibliothèque Forney ?

Monsieur Thierry Devynck (T.D.) : Après avoir officié à différents postes dans plusieurs bibliothèques, je suis arrivé à la Bibliothèque Forney en 1987 en tant que conservateur de collections d'affiches.
En France, il existe trois établissements qui conservent de grandes collections d'affiches publicitaires : la Bibliothèque nationale de France (BnF), le Musée de la Publicité et la Bibliothèque Forney. Ici, je m'occupe principalement des collections d'affiches commerciales y compris celles de Raymond Savignac. Le nombre de ses affiches s'élève à 450 environ. Nous ne pouvons pas consulter ses affiches sur place dans notre bibliothèque, toutefois nous mettons à disposition des positifs en petit format.

31e grand prix ACF (Automobile Club de France), 1937
©Raymond Savignac et son ayant-droit Annie Charpentier

MMF : Savignac commence sa carrière d'affichiste à l'Alliance graphique sous la tutelle de Cassandre dans les années 1930. Comment se sont-ils rencontrés ?

T.D. : En 1933, Savignac a sonné à la porte de l'atelier de Cassandre qui se situait rue Marc Seguin, dans le 18e arrondissement de Paris. Savignac a demandé s'il pouvait travailler à l'Alliance graphique en présentant ses affiches réalisées précédemment chez plusieurs annonceurs. Cassandre a tout de suite décelé le talent de ce jeune dessinateur. Savignac a donc commencé à travailler à l'Alliance graphique d'abord de manière occasionnelle et, par la suite, à plein temps.

Chemin de Fer du Nord Autorail Paris-Lille, 1937
©Raymond Savignac et son ayant-droit Annie Charpentier

MMF : Quelles influences artistiques Savignac a-t-il reçu de la part de Cassandre ?

T.D. : Quand Savignac travaillait chez Cassandre, il travaillait exactement à la manière de celui-ci : il a transposé le style personnel de Cassandre sur ses travaux. C'est très évident si nous regardons les affiches Maria Grimal (1933), ACF (1937) ou Autorail (1937) très influencées par le style de Cassandre.

▲Affiche de l'exposition Savignac de 2001
©Collection Musée Villa Montebello, Trouville-sur-Mer et Illustria

MMF : Quelles sont les grandes différences entre les deux artistes ? Quelles sont les caractéristiques du style de Savignac ?

T.D. : Le style de Cassandre est toujours très construit, extrêmement maîtrisé, très inventif, souvent réalisé avec l'aérographe comme méthode de peinture. Savignac est plutôt comme un peintre qui utilise un pinceau. Cependant, quand Savignac travaillait encore chez Cassandre, il utilisait aussi l'aérographe comme nous l'avons vu avec les trois travaux cités précédemment. Il ne pouvait pas encore s'exprimer de façon très personnelle à l'atelier de Cassandre. C'est après la Seconde Guerre mondiale que son propre style s'est épanoui. Devenu artiste indépendant, il délivre alors une véritable esthétique personnelle. Son style est familier, gai, ubuesque, souriant, drôle, direct... ce n'est pas vraiment décoratif par rapport à de grands affichistes de la première moitié du 20e siècle.

MMF : Comment était-il dans la vie?

T.D. : Je l'avais rencontré plusieurs fois. J'ai fait sa connaissance au début des années 1990. Il était très réservé, très élégant, pudique, spirituel et intellectuel. Il acceptait toujours de recevoir des visites des journalistes, des gens qui s'intéressaient à sa carrière même s'il était assez fatigué à la fin de sa vie.

MMF : Savignac a t-il toujours créé des affiches tout au long de sa carrière ?

T.D. : Oui, jusqu'à la fin de sa vie. Par exemple, nous avons commandé une affiche pour l'exposition de Savignac à la Bibliothèque Forney en 2001, l'année précédent sa mort, à l'âge de 94 ans. Il s'est confronté aux limites de son corps pour peindre dans ses dernières années. Et pourtant, les idées présentées dans ses affiches étaient toujours brillantes.

Mon savon , 1951
©Raymond Savignac et son ayant-droit Annie Charpentier

MMF : Pouvez-vous nous citer trois œuvres incontournables de l'artiste ?

T.D. : Bien sûr, je dirais : Monsavon (1951), Aspro (1963) et les Laines d'Aoust (1949/1951).
Monsavon est une marque de savons qui appartenait à Eugène Schueller, fondateur de l'Oréal. Elle est l'une des plus célèbres d'affiches de Savignac.
Aspro est un médicament contre le mal de tête. Contrairement à l'idée traditionnelle qui consiste à montrer le bienfait d'un produit à soulager de la douleur, Savignac montre la douleur d'une façon très originale. Il figure le mal de tête par cette espèce de flux de voitures comme dans un tunnel.

Aspro, 1963
©Collection Musée Villa Montebello, Trouville-sur-Mer et Illustria

L'affiche des Laines d'Aoust a un slogan qui a un double sens : « Les Laines d'Aoust se tricotent toutes seules ». En général, cela veut dire que cela ne demande pas d'effort à fournir, c'est très facile. Mais il y a une deuxième lecture, c'est la laine elle-même qui se tricote. Savignac s'amuse à prendre la formule au pied de la lettre.

Les Laines d'Aoust, 1949/1951
©Raymond Savignac et son ayant-droit Annie Charpentier

MMF : Pouvez-vous adresser un message pour la MMF et son public japonais?

T.D. : Je suis très heureux d'apprendre qu'une exposition Savignac se tiendra bientôt à Tokyo, dans la belle Ginza Graphic Gallery, haut-lieu de l'art graphique, et plus encore de pouvoir y contribuer un peu, personnellement. L'imagerie de Raymond Savignac nous met le cœur en fête, nous charme toujours, nous enchante. C'est l'impression première qui compte le plus et qui est la plus vraie (Savignac n'aurait pas dit le contraire), pour autant ce n'est pas la seule et les amateurs les plus épris de cet artiste seront contents de découvrir à Ginza des documents qu'ils ne connaissaient pas encore (affiches en lithographie ou peintures originales), et heureux d'entrer dans le processus de création de l'affiche, qui est toujours chez Savignac un processus intellectuel.
Les organisateurs de l'exposition m'ont dit leur espoir de voir le spectacle de ces images réchauffer quelque peu le coeur des gens de Tokyo, en cette période d'angoisses et d'épreuves, par une sorte de communication immédiate des âmes, je suppose. Je n'osais l'espérer moi-même, mais j'ai connu Raymond Savignac assez pour vous dire ce soir que cette belle pensée, un peu sentimentale, l'aurait beaucoup touché.
Puisse cette exposition faire plaisir à tous.

[FIN]

Update : 2011.6.1 文・写真:依田千穂(Chiho Yoda)
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